Je pose le cadre immédiatement afin d’éviter tout malentendu : les enfants ne s’ennuient pas quand ils bénéficient d’une garde périscolaire. Encore moins quand ils vont au parc. D’autant que les intervenantes de l’agence leurs dédient 100% du temps, l’inverse serait contraire à leur mission. En revanche, serait-ce si embêtant pour ce petit protagoniste s’il chantait cet hymne séculaire de l'enfance (« je m’ennuie ») ? Selon certaines études, tant qu’il ne manifeste pas d’exaspération ou le besoin d’un écran, le laisser s’ennuyer peut entraîner un certain nombre d'avantages.

Les premières études internationales présentent des conclusions en 2019. Elles supposent que, malgré sa prévalence, l'ennui est probablement l'émotion la moins comprise par les adultes. L’ennui peut même céder la place à une multitude de résultats positifs. A ce titre, j’ai lu une thèse d’un universitaire en pédiatrie, exposant que «l’ennui ne doit pas nécessairement être une sensation mauvaise ou tenace. En fait, cela peut être une très bonne chose en poussant les enfants à réfléchir un peu plus à eux-mêmes et à ce qu'ils veulent, tout en leur donnant la motivation d'explorer ».

Aider les enfants à entrer en contact avec leur moi authentique

Sans l'influence de sources extérieures comme l’école, les amis, les vidéos sur les réseaux sociaux, les enfants ont la possibilité de se comprendre. Le professeur Klein est une psychologue du développement de l'enfant, et écrit que « les enfants ont besoin de temps pour s'asseoir et réfléchir par eux-mêmes, sans règles ni attentes des adultes», explique-t-elle dans un livre en anglais intitulé How Toddlers Thrive: What Parents Can Do Today for Children. Un livre brillant d’après les avis des lecteurs.

Selon cette psychologue, quand la professionnelle en charge de la garde périscolaire leur donne du temps et de l'espace où ils ne sont pas divertis par autrui, l’espace que nous appelons souvent l'ennui leur permet de solidifier leurs propres désirs et pensées. Ce sont des morceaux d'identité de soi.

Lorsque les enfants ont des moments d'arrêt non structurés, cela les oblige à répondre à de petites questions telles que «qu'est-ce que je veux faire ?» ou encore « que puis-je comprendre par moi-même ? ». Ce qui les aide à répondre à la plus grande question« qui suis-je ? ». La psychologue soutient qu’avoir des idées personnelles marque le développement d'un sentiment d'être soi-même. Ce qui est primordial dans la vie d’un enfant (et d’un adulte également…).

Développer l'auto-motivation

Il est dommage d’orchestrer une garde périscolaire autour de la télévision ou du Smartphone. Il est préférable de travailler sur un projet artistique de style didacticiel. Cela aide à perfectionner une compétence importante : la motivation personnelle. Le professeur Klein insiste sur la nécessaire résistance à l'envie de dire aux enfants quoi faire. Notamment quand ils s’ennuient, l’absence de directive renforce leur motivation interne.

Sans directive d’un adulte, les enfants sont poussés à trouver leur propre étincelle afin de les aider à comprendre ce qu'ils veulent faire. Il peut arriver qu’un enfant ait besoin des adultes pour initier cette étincelle. L’essentiel est qu’il ait de l'espace pour s'asseoir calmement. Il va alors comprendre les choses par lui-même.

A l’inverse, une constante stimulation, avec une présence qui leur explique quoi faire et comment le faire, est autant d’occasions manquées pour comprendre ses propres idées.

Apprendre à faire face à des sentiments inconfortables

Lorsque les enfants sont constamment divertis, ils perdent la chance de faire face à des sentiments inconfortables, tels que l'ennui, la solitude et l'irritation. A court terme, ils peuvent avoir du mal à exprimer ces émotions. La vie n'est pas un défilé de jeux, c’est pourquoi ils ne devraient pas avoir quelque chose à faire à chaque instant. Il doivent apprendre à se retrouver eux-mêmes, avec leurs pensées et leurs émotions.

Si la professionnelle estime qu’il n’ya pas de place pour les temps d’arrêt, elle transmet cet état d’esprit à l’enfant qu’elle garde. Le message devient par inadvertance celui d’être pleinement engagé ou stimulé à chaque instant. Plus tard, c’est ce qu’il recherchera généralement auprès de ses parents, ou d'un écran.

Renforce les compétences en résolution de problèmes

Lorsqu’un adulte ne répond à toutes les sollicitations d’un enfant, il lui donne également la possibilité de grandir avec une capacité en résolution de problèmes. Des mamans me disent que, presque chaque fois qu'elles ne cèdent pas aux enfants quand ils n'ont «rien à faire», ils finissent par trouver quelque chose par eux-mêmes : un jeu, un jouet, etc.

Je vous parlais en début d’article d’une étude de 2019 ; les chercheurs ont constaté que laisser le temps à l'esprit d'errer, cède souvent la place à de meilleures compétences en résolution de problèmes et à une meilleure productivité.

Stimuler la créativité

La créativité présente de nombreux avantages pour les enfants, notamment en leur offrant de nouveaux points de vue et en leur donnant des moyens de donner un sens à leur propre développement. Le professeur Klein écrit ceci : « lorsque les enfants s'ennuient, ils ont la possibilité d'utiliser leur imagination et de penser de manière créative. Ce qui leur donne le temps de rechercher plus en profondeur des choses qui les intéressent peut-être depuis toujours, mais qu’ils n'ont pas eu le temps d'explorer ».

Sur une note similaire, elle conclut que l’ennui permet aux enfants de penser à eux-mêmes d'une manière nouvelle. Cela peut être un sentiment inconfortable au début et prendre un peu de temps, mais au fur et à mesure que les enfants résolvent leur ennui, ils développent de nouvelles idées en utilisant leur imagination et leur créativité. Très souvent, l’ennui se transforme en rêverie, et c’est vraiment bénéfique.